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Nietzsche : ce nom raturé de tant de commentaires, comme raturée la puissance de penser à sa propre hauteur. Non pas penser selon les critères et les thèmes traditionnels ou à la mode, mais penser, à la hauteur de l'évènement d'être ici, en vie, sur Terre. Penser ce que l'on a à penser, soi, au lieu de faire des dissertations. Hegel, le penseur écolier, le penseur premier de la classe et qui travaille pour sa classe, la bourgeoisie, s'oppose en tous points à Nietzsche, celui qui vagabonde, jusqu'au risque de la folie, sur les chemins de traverse, l'école buisonnière présocratique. Quand Hegel dit : « Spinoza ou point de philosophie », pour aussitôt le dépasser, croit-il, vers une pensée de l'Histoire qui n'est qu'une histoire que se raconte la bourgeoisie à elle-même, c'est l'hommage du vice à la vertue, l'utilisation, en philosophie, d'une technique de pouvoir : rendre hommage pour mieux effacer. Aussi nous avons de la chance d'avoir cette lettre de Nietzsche où il s'extasie de sa lecture de Spinoza : « j'ai un prédécesseur et quel prédécesseur... ». Hegel ne découvre pas l'histoire, ça c'est Marx qui le fera. Hegel découvre « le discours ininterrompu que l'ordre présent tient sur lui-même, son monologue elogieux. (…) l'autoportrait du pouvoir à l'époque de sa gestion totalitaire des conditions d'existence » (Debord, La société du spectacle, 24), à savoir le spectacle. Hegel est la métaphysique qui fonde les exactions bourgeoises, passées, présentes, et futures. Alors que Spinoza est innocent de tout cela, lui qui voyait par les yeux de l'esprit, l'éternel, comme chacun peut y arriver avec de l'application. Nietzsche fou, c'est Hegel qui triomphe, mais les discours autorisés, compétents, ne font que mener l'humanité à la tristesse.